Éthiopie - Il y a 3,6 à 1 million d’années

La formation de Shungura

La formation de Shungura (Sud-Ouest éthiopien) documente l’évolution d’un écosystème pendant plus de 2,5 millions d’années, celui de la basse vallée de l’Omo, et de quelques-unes des plus importantes phases de notre évolution, telle que l’apparition du genre Homo et le développement des industries oldowayennes.

La formation de Shungura, basse vallée de l’Omo, site UNESCO. © Mission Paléoanthropologique dans l’Omo / Camille Grohé

Depuis 2006, des milliers de restes de vertébrés ont été mis au jour à Shungura, dont plusieurs dizaines de fossiles humains, ainsi que de très nombreuses occurrences d’outils de pierre taillée. Les analyses de l’écologie des vertébrés fossiles de Shungura suggèrent des réponses évolutionnaires contrastées aux changements environnementaux.

La plupart des grandes étapes de l’évolution de l’humanité – de la divergence de notre lignée et de celle des chimpanzés et bonobos jusqu’à l’avènement de notre espèce, Homo sapiens – ont eu lieu sur le continent africain. Notre connaissance de certaines de ces étapes a nettement progressé depuis une vingtaine d’années, par exemple sur les représentants de notre lignée plus anciens que 5 millions d’années (Ma) et les premiers représentants d’Homo sapiens. Toutefois, certains de ces « moments clefs » de notre évolution sont relativement peu documentés : leurs déroulements et leurs facteurs principaux restent donc largement à décrire et comprendre. C’est le cas notamment de l’apparition et le développement des premières industries lithiques, à partir de 3,3 Ma et jusqu’à 2 Ma ; de l’avènement du genre Homo, divergeant des australopithèques et notamment des formes robustes autour de la transition Plio-Pléistocène, entre 3 Ma et 2 Ma ; de la première phase d’expansion des représentants du genre Homo vers l’Eurasie, attestée à partir de 1,8 Ma ; de l’évolution progressive d’Homo erectus vers les formes souches d’Homo sapiens, autour de 1 Ma.

Pour étudier ces quatre phases clefs, la formation de Shungura dans la basse vallée de l’Omo constitue une source particulièrement appropriée. Cette formation affleure selon une bande nord-sud de près de 60 km dans le Sud-Ouest éthiopien, sur la rive ouest de l’affluent principal du lac Turkana. Elle est constituée par un empilement de près de 800 m de sédiments fluviatiles, deltaïques et lacustres et de cendres volcaniques. De manière exceptionnelle en Afrique orientale, ces dépôts ont eu lieu de manière presque continue de 3,6 Ma à moins de 1 Ma, la séquence étant scandée par de nombreux marqueurs radio-isotopiques et magnétostratigraphiques qui confèrent à ses différentes strates une résolution temporelle précise.

Cette approche repose sur la combinaison de campagnes de terrain documentant précisément le contexte géologique et spatial de chaque découverte d’une manière homogène à l’échelle de la formation, d’un travail de révision et d’analyse de la paléobiodiversité de Shungura, d’un replacement des industries lithiques dans leurs cadres géographique et environnemental, et de la caractérisation écologique des paysages révolus de Shungura (dynamiques sédimentologiques à grande et petite échelles, couvert végétal, régimes alimentaires, paléotempératures, saisonnalités) par des méthodes récentes (biogéochimie isotopique, micro-textures de l’émail dentaire, stratigraphie séquentielle).