Syrie - Il y a 3300 ans

Emar

Alors que des textes de Mari laissaient entendre son existence au XVIIIe s. av. J.-C., la ville d'Emar retrouvée dans le cadre de la campagne internationale de sauvegarde des Antiquités de l'Euphrate, patronnée par l'UNESCO, s'est révélée être une ville neuve du XIVe s. aux particularités urbanistiques étonnantes pour la Mésopotamie.

Port de rupture de charge sur la boucle de l'Euphrate. Vue partielle du site d'Emar, en Syrie, depuis le sud-est

S'appuyant sur des observations géomorphologiques autant que sur une stratigraphie qui met en évidence des techniques de construction et non des niveaux d'occupation successifs, Jean-Claude Margueron impute cette situation inhabituelle à une reconstruction sur le plateau suite à la submersion de la ville de la fin du IIIe et du début IIe millénaire par le creusement du méandre qui la bordait.

Une fouille d'urgence

Les eaux du lac el-Assad devant, à terme, inonder une partie du site, chacune des six campagnes devait être la dernière. L'objectif était donc d'obtenir le maximum de renseignements essentiels le plus rapidement possible. L'identification du site fut immédiatement confirmée grâce à un dépôt de tablettes dans une jarre scellée dans un mur du Hilani (palais du pouvoir local). Le système d'étagement en terrasses d'une ville organisée en paliers descendant depuis son point haut (le temple de Baal) jusqu'au port fut compris dès 1973.    

De gigantesques travaux d'urbanisme

Sur le plateau qui borde la vallée de l'Euphrate, le site se présente comme une sorte d'amphithéâtre, dont la régularité fut obtenue par rabotage du socle rocheux, puis par égalisation à l'aide de terres rapportées, maintenues en place par de puissants murs de soutènement. Mieux encore, le ravin occidental qui l'isole a été creusé artificiellement.

Le pays d'Ashtata, aux marches de l'empire hittite

Poste avancé d'une province conquise par Suppiluliuma Ier et dépendant du royaume de Karkémish, lui-même vassal du Grand Roi, Emar était en étroite relation avec la place forte de Tell Faq'ous, environ 10 km en aval, comme en témoigne le cachet du "Grand des Chars" (général en chef hittite) déjà connu à Emar.

Religion et art

Parmi plus de 800 textes exhumés – en particulier dans le scriptorium du temple du Devin –, il faut noter les descriptions de rituels et la pratique de la divination par l'examen des viscères des animaux (haruspicine).

La ville fut incendiée vers 1187 lors des destructions qui ont marqué la fin du bronze récent. Les ruines de la ville détruite furent perturbées par le creusement de tombes aux époques romaine et islamique. Le matériel du Bronze Récent florissant n'a rien à envier à celui, prestigieux, de cités de la côte comme Ougarit. A la suite du paratge décidé par le gouvernement syrien en remerciement pour la participation à la campagne de sauvetage, une collection de près de 900 objets est conservée dans les vitrines et dans les réserves du département des Antiquités Orientales du musée du Louvre.

Présentation de la mission

Sous la direction de Jean-Claude Margueron, six campagnes de fouilles (de 1972 à 1976) ont eu lieu à Meskéné/Emar et une (1978) à Tell Faq'ous. Les principaux résultats ont été présentés dans des rapports préliminaires, des études archéologiques et des expositions (Alep, musée National et Paris, Palais de Tokyo, colloque sur le Moyen Euphrate à Strasbourg en 1977 suivi de l'édition des Actes. Les textes suméro-akkadiens ont été publiés par Daniel Arnaud, hourrites et hittites par Emmanuel Laroche, Mirjo Salvini et Marie-Claude Trémouille. La publication définitive du matériel est sous presse à la BAH, celle de l'archéologie et de l'architecture est en préparation, sous la direction de Jean-Claude Margueron.