Dikili Tash
Au Nord-Est de la Grèce, près de la ville antique de Philippes, le site de Dikili Tash est un tell, haut de 17 m, formé par l’accumulation de niveaux d’occupation datant surtout du Néolithique et de l’âge du Bronze. Il s’agit du site le plus ancien et le plus durablement occupé de la région.
Les incendies, qui ont parfois accompagné la destruction des maisons préhistoriques, ont conservé de façon remarquable certains vestiges architecturaux, du mobilier ou des restes botaniques, ces derniers pouvant être datés de façon assez précise par la méthode du carbone 14.
Les premiers paysans européens
Les premiers hommes s’installent à Dikili Tash à proximité d’une source au débit très abondant, qui garantit leur approvisionnement en eau toute l’année, et au bord d’une vaste étendue marécageuse couvrant l’actuelle plaine de Drama. Cette première installation date des environs de 6400 av. J.-C., époque à laquelle le mode de vie néolithique, à savoir l’agriculture et l’élevage, commence à se répandre en Europe orientale.
La « maison au bucrane »
Au sein d’un village déjà structuré, la « maison au bucrane », détruite vers 4900 av. J.-C., occupe une aire d’environ 35 m2. Elle est bâtie autour d’un four domestique, mesurant 1,50 m de long. À côté d’un mobilier assez abondant (outillage en pierre, vases en terre cuite servant à la préparation et au service de la nourriture), on a trouvé, dans les débris tombés sur le sol de la maison, un élément composite, un bucrane, réalisé en terre autour de la partie arrière d’un crâne de bœuf domestique. Il s’agit probablement d’un élément décoratif placé en hauteur.
Il y a 6000 ans, on buvait du vin
Une autre maison, détruite vers 4300 av. J.-C., a livré de nombreux restes botaniques indiquant l’extraction de jus de raisin. Les analyses des résidus sur les parois de certains vases de stockage établissent que l’on y procédait à de la vinification, à ce jour la plus ancienne formellement identifiée en Europe. La même maison a livré une quantité significative d’objets de parure, perles en pierre et en or, anneaux en coquille de spondyle, appliques en dent de suidé.
Ruptures et continuités
Les recherches récentes ont mis au jour un niveau datant des environs de 4000 av. J.-C., intermédiaire entre les destructions de la fin du Néolithique Récent et les premières constructions de l’âge du Bronze, vers 3300. La séquence de l’âge du Bronze demeure cependant incomplète, car il semble y avoir un nouveau hiatus de l’occupation entre 2500 et 1500 av. J.-C. Plusieurs niveaux d’habitat se succèdent durant le Bronze Récent (1500-1100 av. J.-C.), dernière phase assurée d’habitation. La fondation de la ville voisine de Krénidès en 360 av. J.-C., devenue par la suite « Philippes », ouvre une nouvelle page de l’histoire de la région.
Caïus Vibius, officier romain
À l’époque romaine, Dikili Tash se trouve à la sortie Est de la grande ville de Philippes, le long de la voie (Via Egnatia) qui relie la mer Adriatique à Byzance. Le nom même du site (« pierre dressée » en turc, héritage de la présence ottomane dans la région) fait allusion à un monument funéraire romain installé à proximité immédiate du site. Il s’agit d’un monolithe de 4 m de haut dédié au Ier siècle ap. J.-C. à un officier appelé Caïus Vibius Quartus.
Une tour byzantine
Une tour de plan carré, mesurant 9,25 m de côté, couronne le tell de Dikili Tash. Sa construction, qui intervient entre le 10e et le 14e siècle de notre ère, pourrait être mise en relation avec la restructuration des remparts de la ville de Philippes.
Une fructueuse collaboration franco-hellénique
Des recherches systématiques ont été effectuées sur le site depuis le début des années 1960, sous l’égide de la Société archéologique d’Athènes et de l’École française d’Athènes.
Dans les années à venir, l’enjeu majeur est la fouille des premiers niveaux néolithiques (6400-5500 av. J.-C.), qui vise à établir avec quel « bagage », dans le domaine de l’agriculture, de l’élevage et des techniques artisanales, les premiers paysans se sont installés en Europe.
La mission de Dikili Tash est lauréate du Grand Prix d’archéologie 2020 de la Fondation Simone et Cino Del Duca – Institut de France.
Le projet est soutenu par le ministère de l'Europe et des Affaires Étrangères sur l’avis de la Commission des fouilles. Il est également soutenu depuis 2008 par la fondation privée américaine Institute for Aegean Prehistory.