Bolt’s Farm
C’est en Afrique du Sud que le premier australopithèque est découvert en 1924. Une zone, proche de Prétoria et de Johannesbourg, présente des sites importants pour l’évolution de l’homme, le Cradle of Humankind, classé par l’UNESCO. Parmi ces sites, celui de Bolt’s Farm est resté pendant longtemps terra incognita.
À la différence des autres sites du Cradle of Humankind, Bolt’s Farm est un vaste réseau karstique érodé présentant des remplissages fossilifères d’âges différents compris entre environ 4.5 millions d’années et 900 000 ans. Bien que discontinue, il s’agit de la plus longue séquence chronologique de cette région. Des fouilles y sont entreprises depuis 2011 par une équipe franco-sud-africaine.
Un peu d'histoire
Comme pour tous les sites du Cradle of Humankind classés par l’UNESCO, des mineurs sont venus extraire de la calcite à Bolt’s Farm au cours de la première moitié du XXe siècle. Robert Broom va récolter des fossiles dans ces carrières dès 1936 avant de se concentrer sur les sites de Sterkfontein et de Swartkrans. En 1948, Charles Camp et Frank Peabody au cours de l’expédition africaine de l’Université de Californie vont collecter de nombreux échantillons et faire la première carte précisant la localisation de certains remplissages. Bolt’s Farm va pratiquement tomber en dormance jusqu’à la fin de l’Apartheid et la signature d’un accord de collaboration scientifique franco-sud-africain, en 1995. À partir de 1996 et jusqu’en 2006, des prospections et collectes d’échantillons vont ponctuellement avoir lieu avant de devenir régulières de 2006 à 2010. À partir de 2011, des fouilles sont effectuées dans les remplissages les plus prometteurs. Le projet actuel, la MPFSA (Mission Paléoanthropologique Franco Sud-africaine), débute en 2015 et va permettre de développer de façon plus importante les fouilles à Bolt’s Farm.
Des fossiles majeurs
Plusieurs des fossiles récoltés par Rorbert Broom sont des holotypes (pièce de référence lors de la création d’un nouveau genre ou espèce). Sous l’impulsion de Robert Broom, l’Université de Californie va renvoyer en Afrique du Sud quelques rares fossiles découverts en 1948 à Bolt’s Farm. Parmi ces derniers, il y en a plusieurs qui sont des fossiles de référence comme deux crânes de primates dont l’un est apparenté à une forme de petit babouin. Mais le plus célèbre est celui d’un grand félin, le Dinofelis barlowi, un faux lion à dents de sabre (si ses canines supérieures sont allongées, elles sont plus épaisses que chez un « vrai » lion à dents de sabre mais beaucoup moins que chez un lion actuel). Ce fossile est représenté par un crâne et une mandibule qui sont les spécimens les mieux conservés pour ce taxon. Il fait l’objet d’une attention particulière de l’équipe qui a pu proposer une reconstitution sous différents formats.
Les recherches actuelles
Pendant des décennies, les remplissages fossilifères de Bolt’s Farm étaient considérés comme ayant le même âge. Depuis 1996, ce n’est plus le cas. Depuis la première carte établie en 1948, de nouveaux remplissages ont été découverts et tous portent un nom afin de les différencier. Il en existe plus d’une trentaine, mais les fouilles se concentrent sur seulement cinq qui présentent un intérêt scientifique plus important. Au cours de la période comprise entre 4.5 millions d’années et 900 000 ans, la région va subir différents changements climatiques qui vont se traduire par des variations environnementales mais aussi dans la composition de la biodiversité dont fait partie les ancêtres de l’homme.
La première originalité des recherches menées à Bolt’s Farm est que toute la faune est étudiée, du plus gros au plus petit animal, chacun apportant des informations complémentaires. S’il est plus facile de découvrir les fossiles de grande taille lors de la fouille du sédiment provenant de la décalcification des brèches fossilifères, ceux dont la taille est de quelques millimètres sont beaucoup plus difficiles à identifier. Les sédiments sont donc d’abord tamisés à sec sur le terrain puis à l’eau en laboratoire avec des tamis ayant des mailles plus petites.
La seconde originalité est qu’il s’agit d’une étude pluridisciplinaire dont la finalité est de comprendre l’histoire des remplissages, de la sédimentologie à la paléontologie, de la fouille avec les relevés photogrammétriques jusqu’à la géochimie isotopique pour identifier l’alimentation et l’environnement des faunes et à la chimie quantique pour comprendre les processus de fossilisation dont dépendront les mesures à prendre pour la conservation. Pour la première fois en Afrique du Sud, les deux permis de fouille (les sites étant sur deux propriétés) sont co-portés par deux membres de la communauté noire sud-africaine (avec un membre français), à partir de 2017 pour le premier et à partir de 2020 pour la seconde.
Formation et diffusion
Depuis 2011, plusieurs jeunes chercheurs et étudiants sud-africains sont venus participer à des chantiers écoles à Bolt’s Farm. Il existe peu d’opportunité pour eux de venir se former sur le terrain dans leur paysen particulier ceux issus de la communauté noire sud-africaines. De par nos liens avec l’University of Johannesburg, les étudiants des deux premières années universitaires viennent visiter les sites et découvrent leur patrimoine in situ. Du matériel d’étude est aussi confié pour étude à des étudiants sud-africains du niveau Honor’s (1 an avant le Master) au niveau doctorat. Grâce à un PHC PROTEA et des financements de la Fondation Ars Cuttoli, nos collègues sud-africains ont pu suivre différentes formations en France et en Afrique du Sud concernant notamment le traitement de données numériques (issues de CT-scan et de scanner surfacique) sur les fossiles et peuvent maintenant transmettre ces compétences à leurs étudiants.
Diffusion
Afin de susciter de nouvelles vocations parmi les plus jeunes, sans oublier les étudiants, deux petites expositions temporaires ont été organisées en 2010 et 2016. Depuis 2020, une exposition permanente couvrant plus de 300 m2 présente les aspects des différentes disciplines impliquées et des reconstitutions d’animaux et de paysages. Elle possède également un espace de 70 m2 dédié aux activités pédagogiques pour le jeune public. Pour la garder attractive, des nouveautés sont apportées régulièrement, comme des podcasts accessibles via un QR code.
Gestion et conservation des collections.
Les fossiles découverts à Bolt’s Farm sont déposés dans la collection de la Plio-pléistocène Palaeontology section du DITSONG : National Museum of Natural History (DNMNH) à Prétoria avec ceux, historiques, découverts par R. Broom, J.T. Robinson, E. Vbra, C.K. Brain et J.F. Thackeray (des paléontologues et préhistoriens sud-africains qui ont marqué nos disciplines). Cette collection est protégée par l’UNESCO en raison du classement des sites du Cradle of Humankind. Le 3 juin 2024, l’IUGS Executive Committee (International Union of Geological Sciences) a voté la ratification de la proposition de classer les 11 premières géo-collections proposées par la Commission internationale du géopatrimoine et l’IUGS Executive Committee. Celle de la Plio-Pleistocene Palaeontology section est la première pour l’Afrique. Via un PHC PROTEA et des financements de la Fondation Ars Cuttoli, les collègues sud-africains ont pu suivre des formations en France pour découvrir les nouvelles techniques de gestion et de conservation des collections paléontologiques ainsi que des archives numériques 2D et 3D.
Les recherches actuelles de la MPFSA (Mission Paléoanthropologique Franco Sud-africaine) sont financées depuis 2015 par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Ces recherches à Bolt’s Farm bénéficient ou ont bénéficié notamment de financements d’un PHC PROTEA (2024-2025), de la Fondation Ars Cuttoli (via la Fondation de France) de 2024 à 2026, et de différents outils du CNRS-INEE et de la NRF (National Research Fondation sud-africaine) de 2008 à 2023.