Albalat : aux marges d’al-Andalus
Albalat, en Espagne, est une petite agglomération fortifiée au bord du Tage qui fut violemment détruite avant d’être abandonnée vers le milieu du XIIe siècle. Ses vestiges offrent un témoignage unique sur la vie quotidienne d’une communauté frontalière d’al-Andalus.
Les fouilles ont révélé une trame urbaine bien structurée par des voiries et fossilisée dans son état du XIIe siècle. Des maisons y côtoient des espaces dédiés à la production artisanale et alimentaire, ainsi que des ateliers métallurgiques ; un bain public a été documenté au pied de l’enceinte.
Les fouilles archéologiques
L’établissement fortifié d’Albalat fait l’objet depuis plusieurs années d’un programme de fouilles systématiques, fonctionnant comme un chantier-école international adossé à une équipe composée de spécialistes venus d’horizons divers.
Plusieurs travaux universitaires sont directement liés au projet : ainsi le mémoire de master de L. Buttard (univ. Lyon 2, 2019), qui s’intéresse aux très nombreuses marques incisées sur les sols dallés des maisons mises au jour.
Étude des graffiti et des marques incisées
Leur étude met en évidence des graffiti et des plateaux de jeux tracés par les habitants d’Albalat. Grâce à une méthode spécifique et pluridisciplinaire (photographies, dessins, moulages des dalles, études microscopiques des traces, cartographie), il est possible de restituer la chronologie de chaque motif, de comprendre les techniques employées, d’en restituer les temporalités. Un volet de cette approche s’inspire du travail des préhistoriens, précurseurs dans l’analyse des traces microscopiques. Les marques incisées, les gravures, sont souvent pensées comme des empreintes atemporelles.
Pourtant, l’archéologie montre bien leurs spécificités et les traces d’Albalat n’y font pas exception : inscriptions en arabe, signes magiques de protection, plateaux de jeux, motifs figuratifs renvoient à l’imaginaire des occupants des lieux et permettent aussi d’envisager les relations sociales qu’ils entretiennent. Les nombreux plateaux de jeux documentés se situent dans l’espace intime des maisons et, plus spécifiquement, dans leurs patios. Ces cours sont les lieux de vie et du partage des activités et il n’est donc pas incohérent qu’ils soient aussi les lieux du jeu et du divertissement. Le cas d’Albalat est unique par la quantité et la qualité de ces graffiti, qui fournissent un instantané graphique de pratiques ludiques, pictographiques, etc., avant le milieu du XIIe siècle.
Une conservation et restauration fragile
Enfin, la conservation et la restauration de ces traces souvent fragiles constituent un enjeu à part entière : la réalisation de reproductions des dalles les plus importantes par l’équipe de restaurateurs sert à rendre visibles ces graffiti dans des structures culturelles. Car ces marques, surtout les plateaux de jeu, sont d’excellents supports pour la diffusion et la médiation du patrimoine : exposition, ateliers-jeux, dessins ou coloriages sont des outils pertinents pour aborder une facette de l’archéologie médiévale d’al-Andalus auprès de publics très variés.
Le projet est soutenu par le ministère de l'Europe et des Affaires Étrangères sur l’avis de la Commission des fouilles.
Il bénéficie également du soutien de l'UMR 5648/Ciham, de la Casa de Velázquez, de la commune de Romangordo, de la centrale nucléaire d'Almaraz ainsi que de la MSH Lyon St-Étienne (2019-2021) et de collaborations avec las Escuelas de Conservación y Restauración de Bienes Culturales de Madrid et Pontevedra.