Il y a 33 000 ans

La grotte de Roucadour

Inaccessible au grand public pour des motifs de conservation, Roucadour est une cavité peu connue. Elle appartient à l’ensemble des grottes ornées les plus anciennes du Quercy (Pech-Merle, Cougnac, Les Merveilles, Marcenac, Les Fieux), dont l’art pariétal est attribué à la culture du Gravettien (entre 33 500 et 27 000 avant le présent).

Vue générale de la grande diaclase ornée. © Drac Occitanie / Scanner Patrimonio e Industria

La découverte et les études

La galerie ornée fait partie d’un réseau karstique plus vaste, connu depuis la fin du XIXe siècle. Elle a été découverte en 1962 par deux membres du club spéléologique de Brive, Jean-Paul Coussy et Pierre Taurisson. L’étude de la grotte est confiée à l’abbé André Glory dès 1964. Ce dernier, tout juste recruté comme ingénieur au CNRS et auteur des études et relevés de l’art de la grotte de Lascaux, fermée en 1963, réalise cinq missions de relevés, de 1964 à 1966. Malheureusement, il meurt dans un accident de voiture, le 29 juillet 1966, avec son proche collaborateur l’abbé Jean-Louis Villeveygoux.

La dynamique de recherche sur l’art de Roucadour est abruptement interrompue et ne se réactive pas avant une trentaine d’années, avec l’implication sur le terrain de Michel Lorblanchet, directeur de recherches au CNRS, à partir de 2002. En collaboration avec Jean-Marie Le Tensorer, alors professeur de préhistoire à l’Université de Bâle, il dirige une équipe internationale pluridisciplinaire pendant sept années, durée nécessaire pour parachever les études et la production de nouveaux relevés de la galerie ornée. Une première publication comparant les relevés d’A. Glory et ceux de la nouvelle équipe paraît en 2009. La monographie complète de l’art de Roucadour est désormais disponible depuis 2022, dans un supplément de la revue Préhistoire du Sud-Ouest.

Un bestiaire original et une grande qualité esthétique

Les motifs pariétaux, au nombre de 495, se développent principalement à l’intérieur d’une diaclase localisée en fin de la galerie ornée. On y retrouve 140 figurations animales gravées, principalement des chevaux, des félins, des cerfs mégacéros puis, en nombre plus limité, des bisons, des mammouths, des bouquetins, des cervidés, et quelques aurochs.

Le respect des proportions anatomiques des animaux n’a pas été une préoccupation des auteurs paléolithiques. Les têtes des chevaux sont souvent petites et allongées, en forme de « bec de canard » (selon l’expression de H. Breuil). Les pattes tantôt modelées, tantôt simplifiées en X ou en Y, sont souvent exagérément courtes, parfois exagérément longues. Les bisons ont des formes massives présentant des profondes ensellures et des ventres arrondis. Certaines encornures sont en forme de lyre et vues de face. Les mammouths présentent une très haute arche ventrale et de longues pattes. Dans quelques exemples de figures, on observe une paradoxale précision anatomique de certains détails : larmier des yeux, glande sur le cou des cerfs mégacéros, opercule anal des mammouths, exactitude inattendue d’un sabot ou d’une crinière.

Des représentations géométriques (signes) et des mains peintes et gravées viennent s’associer aux animaux. La symbolisation féminine évoquée par les deux diaclases ornées et les micro-reliefs calcaires est particulièrement nette à Roucadour : ces morphologies naturelles semblent avoir structuré l’organisation des figures.

Un sanctuaire pariétal gravettien exceptionnel

L’ensemble pariétal de Roucadour ne peut être situé chronologiquement sur la base de datations directes 14C, car les peintures ont été élaborées à partir de pigments minéraux, non datables par cette méthode : hématite pour le rouge et oxydes de manganèse pour le noir. Il a donc fallu procéder par des comparaisons thématiques et stylistiques avec les autres grottes ornées paléolithiques européennes bien datées.

Les superpositions des figures, qui s’enchaînent sans aucune rupture stylistique, témoignent d’un ensemble pariétal homogène. Son attribution au Gravettien ancien repose sur un faisceau d’éléments iconographiques significatifs : des conventions graphiques particulières, une thématique animale où les lions, les cerfs mégacéros et les mammouths jouent un rôle prépondérant, la présence de mains peintes et gravées ainsi que de signes spécifiques (cercles échancrés).

De toutes les études formelles, il ressort que l’art pariétal de Roucadour est parfaitement maîtrisé, à la fois conventionnel, symbolique et plein de liberté, quelques fois même, empreint de fantaisie et de métaphores poétiques.

Partenariat

La maîtrise d’ouvrage de l’élaboration du site a été assurée par la Direction des affaires culturelles d’Occitanie, en partenariat avec la Spin-off de l’université de Saragosse, 3Dscanner – Scanner Patrimonio e Industria.

En savoir plus

M. Lorblanchet et J.-M. Le Tensorer (dir.) ‑ Roucadour. Une grotte ornée archaïque du Quercy (Thémines-Lot), Villefranche-du-Rouergue, supplément n° 15-2021 à Préhistoire du Sud-Ouest, 400 p.