Il y a 15 000 ans

Étiolles. Campements paléolithiques

Découvert en 1971 par des archéologues amateurs qui y récoltèrent de nombreux silex taillés en surface, le site d’Étiolles livre des vestiges de campements magdaléniens (vers 13 000 av. J.-C.), parfaitement fossilisés dans les limons d’inondation de la Seine. En les découvrant, on a parfois l’impression que les nomades de cette époque lointaine viennent de lever le camp. C’est grâce à cette préservation exceptionnelle que le mode de vie de ces chasseurs-cueilleurs préhistoriques peut être déchiffré avec une finesse rare.

Restitution du campement paléolithique d'Étiolles. © Gilles Tosello. MAN

Témoignages remarquables sur la fin du Paléolithique

Les campements saisonniers étagés dans l’épaisseur des sédiments accumulés à Étiolles (Essonne) sont datés par le carbone 14 des environs de 13 000 av. J.-C., à l’issue des temps glaciaires. Cette époque correspond à une autre fin, celle du Paléolithique, la très longue période des chasseurs-cueilleurs préhistoriques que les spécialistes font débuter il y a plus de 3 millions d’années en Afrique, quand des espèces précédant les premiers humains commençaient à fabriquer des outils en pierre taillée.

Il faut attendre les environs de 40 000 av. J.-C. pour que notre propre espèce humaine, Homo sapiens, apparue elle aussi en Afrique il y a 300 000 ans, s’installe durablement en Europe, y supplantant les Néandertaliens dans des circonstances inconnues. À partir de là, c’est par les réseaux d’alliances entre ces petites communautés d’Homo sapiens que de vastes courants culturels se diffusent à travers tout le continent européen. Ces affinités se matérialisent par des choix largement partagés concernant les techniques simples du quotidien (fabrication des outils en pierre ainsi qu’en matières osseuses, chasse, exploitation de ses produits, notamment des peaux pour se faire des vêtements ou des couvertures de tentes). À ces techniques, dont le détail varie selon les grands courants culturels successifs du Paléolithique récent (Aurignacien, Gravettien, etc.), s’ajoute une profusion de symboles. Diffusés pareillement à travers de vastes aires géographiques (de la France du Sud-Ouest à la Pologne parfois), ces symboles évoluent aussi, comme l’atteste la transformation des images d’animaux dessinées et gravées au plus profond des grottes ou bien ornant des instruments ainsi que des objets sans fonction utilitaire.

Vivre dans la steppe vers 13 000 av. J.‑C.

Étiolles a livré une de ces œuvres au riche contenu mythologique et son style est typique du courant culturel magdalénien de la fin du Paléolithique récent (16 000/-12 000 av. J.-C.). D’autres partis-pris caractéristiques du Magdalénien se reconnaissent dans les stratégies spécifiques de chasse aux rennes et aux chevaux ainsi que dans les techniques pour fabriquer l’outillage en silex, exceptionnellement talentueuses à Étiolles. En reconstituant méticuleusement ces choix et en décryptant les restes d’habitats légers car transportables, les archéologues entraperçoivent le mode de vie de ces communautés magdaléniennes qui fréquentaient, il y a 15 000 ans, les grandes steppes froides de la région parisienne peut-être encore peuplées par quelques mammouths. Les chercheurs parviennent même à cerner, dans chaque campement, la composition des groupes : des adultes généralement accompagnés d’enfants se reconnaissent sur le critère de leur habileté distincte à tailler le silex. Si l’on peut atteindre une telle précision, c’est qu’Étiolles fait partie de la petite trentaine de gisements les mieux conservés pour toute la durée du Paléolithique récent en Europe. Le site est exploré pour cette raison depuis plus de 50 ans au cours desquels il est devenu un pôle scientifique pluridisciplinaire et international. De nouvelles méthodes de recherche s’y élaborent et des étudiants du monde entier viennent, génération après génération, les apprendre.

Questions de chronologie

La préhistoire eurasiatique est divisée entre un Paléolithique démesuré et un Néolithique proportionnellement très court, ces désignations du XIXe siècle rappelant que la distinction reposait initialement sur des aspects du travail de la pierre. Ce partage s’est affermi ensuite sur des critères beaucoup plus distinctifs concernant le mode de subsistance (chasse et collecte pour le Paléolithique et ses prolongements dits « mésolithiques » ; agriculture et/ou élevage pour le Néolithique) et aussi sur des aspects très généraux d’organisation sociale (communautés généralement égalitaires pour le Paléolithique et le Mésolithique ; apparition de hiérarchies sociales au cours du Néolithique).

Le Paléolithique lui-même a été subdivisé en trois phases de durées inégales : une « inférieure » (-3 millions années/-300 000 années) durant laquelle les premières humanités, émergeant en Afrique, gagnent ensuite l’Eurasie ; puis une phase « moyenne » (-300 000/-42 000) pendant laquelle Homo sapiens, apparu lui aussi en Afrique, y développe ses sociétés originales tandis que Néandertaliens et Dénisoviens affichent leurs particularités culturelles en Eurasie ; et enfin une phase « supérieure » lors de laquelle Homo sapiens gagne l’Australie, l’Asie, l’Europe et, plus tardivement, les Amériques, avant de s’adapter au réchauffement climatique naturel durant le Mésolithique. Beaucoup de chercheurs plaident aujourd’hui pour que la gradation sur laquelle repose cette tripartition (phase inférieure versus supérieure), héritée d’une observation des couches géologiques superposées, cède la place à un principe plus courant de succession chronologique (phase ancienne versus récente), conforme à celui que l’on emploie pour les phases ultérieures de la très longue histoire humaine.  

L'équipe scientifique

L’équipe scientifique est composée de plusieurs chercheurs universitaires et CNRS appartenant à l’équipe Technologie et Ethnologie des Mondes Préhistoriques - UMR 8068 ainsi que de collaborateurs réguliers rattachés à d’autres institutions et d’autres UMR (INRAP, SRA Pays de Loire, ZBSA, Allemagne).

En savoir plus sur le site du Musée départemental de préhistoire d'Île-de-France à Nemours :

La présentation du chantier de fouilles dans la web-série « Devenir archéologue »

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