Édouard Piette
La collection Piette, qui porte le nom de son inventeur et généreux donateur, est probablement la plus belle collection d'art préhistorique au monde. Elle est présentée dans la salle Piette au musée d'Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye.
La salle Piette, digne héritière des cabinets de curiosité, transporte le visiteur dans le « musée du musée ». Ses vitrines anciennes présentent des milliers d'objets, sur des fonds de tissu rouge, dans des griffes de laiton doré, avec de belles étiquettes manuscrites. La célèbre « Dame à la Capuche » vous y attend.
Édouard Piette, un magistrat passionné d'archéologie
Né en 1827, fils d’un propriétaire foncier ardennais, Édouard Piette étudie le droit à Paris et devient juge de paix. Après la guerre de 1870 qui a ébranlé sa santé, il effectue une cure thermale dans les Pyrénées. Il découvre alors une région particulièrement riche en sites préhistoriques, grottes et dolmens. De 1871 à 1875, il fouille les grottes de Gourdan (Haute-Garonne), Lortet (Hautes-Pyrénées) et Espalungue à Arudy (Pyrénées-Atlantiques). De 1887 à 1894, il mène des recherches dans la grotte du Mas d’Azil (Ariège). Il y met en évidence l’Azilien, période des derniers chasseurs-cueilleurs. Puis, de 1894 à 1897, il fouille la grotte du Pape à Brassempouy (Landes), où il découvre la célèbre Dame à la Capuche.
Une activité scientifique riche et rigoureuse
Durant toute son activité scientifique, Édouard Piette informe la communauté archéologique de ses travaux par la publication de nombreux articles, notices et compte-rendus. Ayant découvert des sites fabuleusement riches en industrie osseuse et en art mobilier, il précise la chronologie du Paléolithique récent à partir de la faune, des outils en silex, mais aussi des outils en os et en bois de renne, et, surtout, des objets d’art. Il contribue à la reconnaissance de l’art mobilier paléolithique, ainsi qu’à ses premières classifications et interprétations. À la fin de sa vie, il travaille à la préparation de son ouvrage L’Art pendant l’Âge du Renne, dont il ne verra pas la publication en 1907, puisqu’il décède en 1906.
Une formidable donation au Musée des Antiquités nationales*
Bien qu’il ait lui-même financé ses recherches, Édouard Piette n’envisage jamais de vendre ses collections, qui comptent pourtant de véritables chefs-d’œuvre de l'humanité. En 1902, il propose une donation au musée des Antiquités nationales, assortie de cinq conditions. Les quatre premières conditions régissent la présentation des collections. La cinquième stipule qu'une aide à la publication devra être accordée. Curieusement, c'est cette dernière condition qui posera le plus de difficultés. Après deux années de négociations, la donation Piette est acceptée par décret le 9 juin 1904. Un siècle plus tard, la collection Piette demeure l’une des plus prestigieuses collections d’art préhistorique connues dans le monde.
* Le Musée d'Archéologie nationale portait à l'origine le nom de Musée des Antiquités nationales
Une présentation régie par les clauses de la donation
Conformément aux clauses de la donation, la collection Piette est exposée dans une salle qui lui est réservée. Au-dessus de la cheminée, une plaque commémore la générosité d'Édouard Piette, tandis que, près de la porte d'entrée, son buste en marbre veille sur la salle qui porte son nom. La présentation muséographique de la collection doit être réalisée selon la classification scientifique du donateur. Mais les modes de classification et de présentation d’Édouard Piette s'avèrent très complexes et requièrent sa participation. Or, son âge et sa santé ne lui permettent plus les séjours nécessaires à l’aménagement des vitrines. Finalement, l’esprit – si ce n’est la lettre – de la donation est tout de même respecté.
Une salle typique du musée de Napoléon III
Au début du XXe siècle, la muséographie de la salle Piette est identique à celle des autres salles du musée, inauguré par Napoléon III en 1867. Les objets sont présentés dans des vitrines en chêne, sur des fonds couverts de feutrine rouge, maintenus par des griffes en laiton. Des étiquettes manuscrites mentionnent les sites, les périodes ou les types d'objets. Les pièces exposées sont très nombreuses et serrées, afin de montrer la richesse et la diversité des collections. La salle Piette contient ainsi près de sept mille objets, alors que la galerie du Paléolithique actuelle, cinq fois plus grande, n'en comporte qu'un millier. L'héritage des cabinets de curiosité est encore vivace dans les musées de cette époque.
Un siècle après, une restauration nécessaire
En 2004, après un siècle d’existence, la salle Piette avait souffert des atteintes du temps. Il était nécessaire de la restaurer – et non de la rénover – dans le strict respect des clauses de la donation. Il s'agissait donc de trouver un compromis entre, d’une part, la présentation muséographique ancienne, qui ne pouvait être modifiée, et, d’autre part, les exigences modernes de sécurité et de conservation, sans oublier le confort du public. La restauration de la salle a été confiée à des entreprises extérieures, sous la conduite de l'architecte en chef des Monuments historiques. Le réaménagement des vitrines a été réalisé par les services du musée et coordonné par la conservatrice des collections paléolithiques.
La salle Piette, aujourd'hui accessible au public
Après avoir été, pendant de trop nombreuses décennies, réservée aux conservateurs et aux chercheurs, préhistoriens et archéologues, la salle Piette est aujourd'hui accessible au public. Elle est ouverte à des groupes de dix-neuf personnes, dans le cadre de visites-découvertes ou de visites-conférences, inscrites au programmes des activités du musée. Une telle présentation peut paraître étonnante, mais elle est indéniablement intéressante et très esthétique. Elle nous transporte plus d’un siècle en arrière, au moment où naissent les sciences préhistoriques, et, bien sûr, il y a plusieurs dizaines de millénaires, en compagnie, notamment, des fameuses Vénus de Grimaldi ou de la célèbre Dame à la Capuche de Brassempouy.