L’Afghanistan, carrefour des civilisations

L’Afghanistan même s’il a été an centre de l’actualité au cours des dernières décennies reste un pays mal connu, dépositaire d’un patrimoine culturel d’une grande richesse qui est malheureusement en danger de disparaitre.

Des contraintes géographiques fortes

À l’extrême ouest de la Chaine himalayenne, l’Afghanistan se déploie autour d’un massif montagneux dominé par l’Hindou Kouch, dont les plus hauts sommets culminent à 7000 mètres. Au Nord, au-delà des montagnes, s’étend la plaine du Turkestan afghan bordée par l’Amou Darya qui marque une partie de sa frontière avec les autres états d’Asie centrale. Au Sud on trouve une vaste zone en grande partie désertique dans la quelle viennent se perdre les cours d’eau issus des montagnes centrales. Par sa superficie (652 000 km2 soit peu plus que la France) il est loin d’être le plus étendu des pays de la région (si on le compare à l’Iran ou au Pakistan) mais il occupe une position clef au contact des mondes iraniens, centre asiatiques, indiens et chinois, ce dont son histoire apporte une excellente illustration.

Une Préhistoire mal connue

On sait peu de choses du passé très ancien de l’Afghanistan, principalement faute de fouilles. Les quelques éléments dont nous disposons suggèrent cependant un fort potentiel. C’est ainsi que le site d’Ak Kupruk au Nord de l’Afghanistan l’équipe de Louis Duprée a mis en évidences, dans les années 1970, des traces d’une domestication précoce des capridés (VIIIe millénaire).

Un Âge du bronze prometteur

C’est avec l’Âge du bronze que nos connaissances s’étoffent. Dans le Nord un grand ensemble culturel, le complexe margiano-bactrien, dépassant les frontières des pays actuels, semble constituer un foyer culturel original tirant partie des ressources minières de l’Afghanistan et en particulier de ses ressources en minerai de cuivre. C’est probablement dès cette période que se créent les grands réseau d’irrigation permettant la création des oasis, si caractéristiques de cette zone géographique.

Au Nord-Ouest, la fouille du site de Shortugaï a permis d’établir la présence de colons venant de la vallée de l’Indus, sans doute attiré dans ces régions éloignées par leurs ressources en Lapus-Lazuli, cette pierre semi-précieuse qui pendant l’Antiquité venait exclusivement d’Afghanistan. Cette influence des cultures de la vallée de l’Indus a aussi été notée lors de la fouille du site de Mundigak, dans le sud du pays.

L’Âge du fer

Avec l’Âge du fer l’influence de l’Iran se fait sentir plus nettement sur le pays qui est, à la période achéménide, intégré dans l’organisation administrative de l’empire perse. C’est à cette période que nait et se développe le zoroastrime, dont l’Afghanistan pourrait avoir été le berceau, si on en juge par diverses traditions historiques mais également par des données archéologiques, comme celles découvertes à Cheshm-e Shafa près de Balkh, ville étant selon la tradition celle où est mort Zoroastre. Dans le Nord de l’Afghanistan les sites de cette époque qui ont été fouillés montrent que leur culture matérielle a de fortes affinités avec celle des sites d’Asie centrale, alors que dans l’Ouest du pays les liens avec le plateau iranien semblent s’imposer.

Les royaumes gréco-bactriens

L’expédition d’Alexandre le Grand fait entrer l’Afghanistan dans un courant culturel et civilisationnel dont les liens avec la culture gréco-romaine « classique »  sont très sensibles. De 330 à 327 av. J.-C., Alexandre le Grand prends le contrôle de ce qui est aujourd’hui l’Afghanistan, y fondant de nombreuses villes. À sa mort en 323 av. J.-C., son empire est divisé en royaumes administrés par ses anciens généraux. À Séleucos échoit l’Est avec l’Afghanistan. C’est probablement à lui qu’on doit la fondation d’Aï Khanoum. Pendant près d’un siècle et demi le Nord de l’Afghanistan va être administré par des rois dont les noms grecs suggèrent l’attachement à leur origine. À partir du milieu du IIe av. J.-C. siècle, ils tombent sous les coups de populations nomades venues du Nord.

La période kouchanne

S’ouvre alors une période de grande instabilité politique qui s’achève à la fin du Ier siècle av. J.-C. par la création du royaume Kouchan. Les kouchans, issus des tribus Yue tche, venues de  Chine au moins dès le IIe siècle av. J.-C., créent à partir du Nord de l’Afghanistan un vaste de royaume qui débordera vite des limites de l’Afghanistan actuel. C’est ainsi que le Nord du Pakistan et d’une partie de l’Inde sont intégrés dans le royaume qui, en Asie centrale, s’étend bien au-delà de l’Amou Darya.  Kanishka, qui en fut le souverain le plus connu, échangea des ambassadeurs avec l’empereur romain Marc Aurèle (161-180) ainsi qu’avec l’empereur de Chine. Cette période voir un développement des monastères bouddhiques dans toute le pays.

Avant l’Islam

À partir du milieu du IIIe siècle apr. J.-C. le royaume Kouchan, affaibli, se désagrège. Dans toute sa partie ouest, il passe sous le contrôle des sassanides progressivement supplantés dans le Nord par les Huns Hephtalites, venus de la steppe centre asiatique. Le Bouddhisme, un temps menacé par les sassanides, connait alors une période de grande prospérité dont on trouve l’illustration dans les descriptions du moine chinois Xuan Zang et dans la construction à cette époque des statues géantes de Bamiyan.

L’arrivée de l’Islam

Après avoir conquis l’Iran, les armées islamiques pénétrent en Afghanistan par le Nord et entreprennent de convertir les populations et de les contrôler politiquement et économiquement. Aucun rejet de masse de la nouvelle religion n’est attesté sauf dans des zones isolées où de toute évidence les nouveaux venus n’ont pu accéder. Cependant, très vite, les volontés d’indépendance des gouverneurs nommés par Damas puis Bagdad se manifestent. C’est même dans une province couvrant une partie du Nord de l’Afghanistan, le Khorasan, que l’insurrection abbaside se propagera.

L’âge d’or de l’Islam en Afghanistan

À partir de la fin du Xe siècle, une dynastie d’origine turque, les ghaznévides, va constituer, autour de sa capitale Ghazni, un vaste sultanat s’étendant jusqu’en Inde et y établissant de façon durable une communauté musulmane. Leur rayonnement culturel se mesure à la qualité de l’architecture qu’ils nous ont laissé mais aussi par le parrainage qu’ils ont apporté au grand poète Firdousi à qui on doit la grande épopée nationale en langue persane le Shahnameh : Le livre des rois. À la suite des Ghaznévides une nouvelle dynastie, originaire de l’Hindou Kouch central, les Ghorides arrive au pouvoir. C’est à elle que l’on doit le « Minaret » de Jam.

L’invasion mongole et ses conséquences

L’arrivée des mongols menés par Gengis Khan en 1220 met un terme à cette période brillante. Jusqu’au campagne de Tamerlan, le pays semble ne pas se relever des destructions occasionnées par les mongols, et ce n’est qu’avec les successeurs de Tamerlan que l’Afghanistan retrouve une certaine prospérité comme en témoignent les monuments de cette période qu’on peut encore voir dans tout le pays et principalement à Hérat.

Partiellement intégré à l’empire Moghol à partir du règne de son fondateur Babur (1483-1530), l’Afghanistan est, jusqu’au milieu du XVIIIe siècle un assemblage de petits potentats soumis nominalement à leurs puissants voisins (Iran Séfevide et qadjar, Inde moghole).

L’avénement des Duranis

En 1747, une confédération de tribus afghanes décide de se donner pour chef celui qui sera connu sous le nom d’ Ahmad Shah Durani. C’est à lui qu’on attribue la fondation de l’Afghanistan moderne, même si son règne et celui de ses successeurs ne furent qu’une longue successions de guerres inter-tribales entrecoupées par les deux guerres anglo-afghanes (1839-1842 / 1878-1880).

L’Afghanistan indépendant

Au lendemain de la troisième guerre anglo-afghane (1919) le roi d’Afghanistan : Amanullah (1919-1929) proclame l’indépendance de son pays en manière de défi aux grandes puissances qui l’entourent (Russie soviétique et Empire des Indes) et qui depuis plus d’un siècle ont tenté de peser sur le destin du pays. Le roi Amanullah moderniste et volontaire n’aura ni la possibilité, ni le temps pour mener à bien les réformes nécessaires pour moderniser son pays et, ses successeurs, s’ils poursuivirent son œuvre, n’auront que des résultats insuffisants.

En 1973 le roi est renversé et la République est proclamée, le président Daoud, cousin du roi est à son tour renversé le 27 avril 1978 par un coup d’Etat pro-soviétique qui s’avère incapable de conserver le pouvoir, sa chute entrainant une intervention militaire soviétique en décembre 1979.

À partir de l’arrivée des soldats de l’Armée Rouge et jusqu’à la fin de 2001 et la chute du régime des talibans, l’Afghanistan est un pays déchiré par les luttes de factions souvent instrumentées par des puissances étrangères. La « normalisation » qui s’est engagée depuis 2001 laisse l’Afghanistan dans une situation de grande difficulté. La fragilité de l’économie est accentuée par une situation sécuritaire très instable et ce, dans un pays particulièrement vulnérable aux conséquences du réchauffement climatique et à celles de la pandémie de COVID-19.