Qara Dagh
Depuis 2015, les fouilles menées sur les sites de Girdi Qala et Logardan dans la Qara Dagh occidental, près de Chemchemal (gouvernorat de Souleymanieh), permettent de renouveler notre connaissance de l’évolution culturelle de la Mésopotamie du nord, du Chalcolithique à l’Islam.
Les sites de Girdi Qala et de Logardan ont livré d’importants vestiges de la période d’Uruk (IVe millénaire av. J.-C.), de l’Âge du bronze ancien (IIIe millénaire av. J.-C.) et des débuts de l’époque hellénistique (IVe-IIIe siècles av. J.-C.). Ils permettent de mieux comprendre les échanges interculturels et les processus d’urbanisation dans un territoire situé au cœur du Proche-Orient.
Nouvelles données sur l’expansion de la culture d’Uruk
Dès la première campagne, une aire de production céramique sud mésopotamienne « Uruk » a été dégagée au pied du Tell principal de Girdi Qala. Cette découverte a été datée par l’analyse céramique de 3900 av. J.-C. (Uruk ancien), soit trois siècles plus tôt que la date traditionnelle de l’arrivée de populations « Uruk » dans la région. Les campagnes suivantes ont permis de confirmer l’importance et l’ancienneté de l’implantation urukienne dans le Qara Dagh occidental. À quelques centaines de mètres du Tell principal de Girdi Qala, un petit village Uruk Moyen a été identifié (une dizaine de niveaux d’occupation reposant sur le terrain vierge), tandis qu’au sommet du site de Logardan (30m de haut), une acropole Uruk (Ancien et Moyen), à laquelle on accédait par une rampe en pierre, a été découverte et commencée d’être explorée.
Une citadelle du début du IIIe millénaire
Après un hiatus, le site de Logardan est réoccupé vers 2800 av. J.-C. Au Dynastique Archaïque III (vers 2500 av. J.-C.) une petite citadelle est construite au sommet du site, par-dessus les ruines des anciens bâtiments Uruk. Cette construction témoigne de la prise de contrôle du site par une puissance proche, en lien avec la position stratégique du site (la passe de Bazyan est visible depuis son sommet) et de la région, traversée par les grandes routes commerciales du IIIe millénaire.
Un important centre artisanal de la fin du IIIe millénaire
Avec la conquête akkadienne, vers 2300 av. J.-C., la citadelle de Logardan est rasée et le site transformé en centre de production industriel, dédié à l’industrie céramique, jusqu’à la fin du IIIe millénaire (Ur III). 192 fours ont jusqu’ici été dégagés, sur quatre niveaux d’occupation successifs. Ils présentent des caractéristiques technologiques inconnues jusqu’ici et des dimensions remarquables (jusqu’à 8m de diamètre), qui illustrent la maîtrise technique et l’esprit d’innovation des artisans du IIIe millénaire.
Une longue occupation
Les fouilles menées sur le site de Girdi Qala ont permis d’identifier une occupation beaucoup plus longue et récente. Un chantier au sommet du Tell principal conduit entre 2015 et 2019 par nos collègues de l’Université de Liège (Laurent Colonnna d’Istria) a mis notamment au jour une petite forteresse islamique (occupée jusqu’à la période ayyoubide) et l’entrée d’une grande maison sassanide plusieurs fois réaménagée. Sous cette dernière, un bâtiment hellénistique monumental, pourvu de puissants murs de brique crue, conservés sur plus de 1 m de haut et recouverts de plusieurs couches de plâtre fin. Il s’agit d’un bâtiment officiel, dont le matériel céramique, de grande qualité, indique une occupation du tout début de l’hellénisme (fin IVe-début IIIe siècle av. J-C.). Depuis 2019, le chantier du sommet de Girdi Qala a été élargi par Marie-Odile Rousset (CNRS – Archéorient), qui a identifié les remparts de la citadelle islamique, un vaste plan d’habitat et des structures probablement vouées à la production céramique.
L’équipe de recherche
La mission archéologique française du Qara Dagh occidental s'est constituée au printemps 2014, sous la direction de Régis Vallet (CNRS, UMR7055, Pretech) et est dirigée depuis 2020 par Johnny Samuele Baldi (CNRS, UMR 5133 Archéorient). Elle travaille en étroite collaboration avec les archéologues du Département des Antiquités et de l’université de Souleymanieh. Elle a reçu le soutien du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères sur l'avis de la Commission consultative des recherches archéologiques à l'étranger. Elle bénéficie de l’appui de l'IFPO, du service culturel de l'Ambassade de France en Irak et du CNRS. La mission, qui a longtemps coopéré avec l'Université de Liège (Belgique), et l'Université Paris 1 mène actuellement des programmes en coopération avec l'Université Lumière Lyon 2 et l'Université Autonome de Barcelone. L’équipe de recherche se compose actuellement d’une vingtaine de chercheurs et ingénieurs français, belges, catalans, italiens et kurdes-irakiens.
La lutte contre le vol et le trafic illicite des biens culturels est l'une des priorités du ministère de la Culture, qui prête une grande attention à l'ensemble de ces problématiques, notamment par son rôle régalien de contrôle de la circulation des biens culturels.