Arabie Saoudite - Il y a 2 000 ans

Al-Ukhdūd

Al-Ukhdūd, dans la vallée de Najrān (Arabie saoudite), fut une cité majeure au carrefour des routes caravanières durant plus d’un millénaire (IVe s. av. J.‑C.-IXe s. apr. J.‑C.). Elle fut successivement capitale du royaume antique d’Amir, haut-lieu du christianisme tardo-antique avant d’être gagnée par l’islam et d’offrir les vestiges de l’une des plus anciennes mosquées d’Arabie.

Al-Ukhdūd, vue aérienne du secteur intra muros au lever du soleil © MAFSU / J. Schiettecatte, 2025

Les premières recherches franco-saoudiennes d’al-Ukhdūd nous éclairent sur l’architecture, l’urbanisme, la production artisanale et les pratiques funéraires d’un site urbain fortifié dont différents quartiers furent successivement occupés depuis l’Antiquité jusqu’aux premiers siècles de l’Islam. Son excellente préservation en fait un site patrimonial majeur de l’Arabie Saoudite.

Al-Ukhdūd, une cité antique d’exception

L’étude de ce grand centre urbain de l’Antiquité et des débuts de l’Islam est motivée par son caractère exceptionnel :

  • Importance archéologique : c’est l’un des plus vastes sites de l’Arabie antique (> 70 ha), remarquablement conservé, offrant un terrain privilégié pour l’étude de l’urbanisme et de la culture matérielle préislamique.
  • Une fenêtre sur l’Arabie du Sud : en raison de l’inaccessibilité du Yémen, il constitue une source majeure pour l’étude de la culture sudarabique.
  • Un carrefour linguistique et culturel : situé à la frontière entre langues sudarabiques et arabe, il éclaire la formation de la langue et de l’écriture arabes.
  • Un centre caravanier : au croisement des routes commerciales trans-arabiques, il permet d’analyser les échanges et productions artisanales.
  • Un témoin de la transition vers l’islam : continuellement occupé jusqu’aux premiers siècles de l’islam, il offre une vision unique de la période tardo-antique (IVe–VIIe s.).

Cartographie historique de la ville

La première étape de nos recherches consiste à cartographier l’occupation du site d’al-Ukhdūd pour en circonscrire les différentes aires d’activité, les monuments qui la constituent et les dater. Les chercheurs y combinent plusieurs techniques associant prospection et relevé de terrain systématique, photo-interprétation, système d’information géographique, prises de vue aériennes par drone permettant d’obtenir des images d’une précision exceptionnelle et de dresser un plan du site et son modèle numérique en 2D et 3D.

À ce jour, l’étude a permis d’identifier plus de 900 vestiges de nature différente : habitats, ateliers, lieux de culte, tombes et inscriptions. La cartographie permet d’esquisser les contours d’un déplacement de l’occupation du site depuis le sud-ouest vers le nord-ouest au cours de sa longue occupation. Ce n’est donc pas seulement une stratigraphie verticale de l’occupation qui s’esquisse mais également une stratigraphie horizontale.

Une renommée internationale dès l’Antiquité

Les sources historiques retracent les grandes étapes de l’histoire d’al-Ukhdūd. Le site, anciennement appelé Ẓirbān puis Nagrān, prospéra dès le Ier millénaire av. J.‑C. grâce à l’agriculture irriguée et au commerce caravanier. Il apparaît dans l’œuvre de Strabon parmi les cités soumises par les troupes romaines d’Aelius Gallus, lors de l’expédition qu’il mena pour le compte de l’empereur Auguste en 25 av. J.‑C.

Christianisé au Ve siècle, inscriptions sudarabiques et les hagiographies byzantines rapportent qu’il fut le théâtre du martyre d’une communauté chrétienne à la fin du Ve puis au début du VIe siècle.

Au VIIe siècle, les sources arabo-islamiques décrivent comment les habitants des lieux firent allégeance au Prophète Muhammad, versant pour tribut de grandes quantités de textile dont il était alors un centre de production majeur.

Plusieurs institutions ont apporté leur soutien financier, technique, logistique, administratif et humain aux activités sur le terrain : le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères ; l'ambassade de France dans le Royaume d'Arabie saoudite ; la Saudi Heritage Commission ; le CNRS, laboratoire Orient & Méditerranée (UMR 1867) ; l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne avec le programme Jaussen & Savignac ; l'université Toulouse Jean-Jaurès ; le Centre français de recherche en péninsule arabique (CEFREPA) ; l'association Arabie Déserte – Archéologie et épigraphie.