Arabie Saoudite - il y a environ 7 500 ans

Al-Badʿ

Au nord-ouest de l’Arabie, l’oasis d’al-Badʿ, ancienne Madyan islamique, fait l’objet de recherches archéologiques franco-saoudiennes depuis 2017. L’oasis est surtout connue en raison de la présence de tombeaux nabatéens creusés dans la roche. À la fin du 2e millénaire avant J.-C., l’oasis faisait probablement partie d’une entité géopolitique régionale appelée Madian.

Tombes nabatéennes de Mughayr Shuʿayb à al-Badʿ, © BDAP, K. Guadagnini.

Un projet conjoint saoudien et français a commencé une étude complète de cette oasis en 2017 et entrepris les premières fouilles en 2018.

L'oasis d'Al-Badʿ

Située à l'est du Golfe de ʿAqaba dans une région sismique, l'oasis d'al-Badʿ occupe une zone d'environ 7 km de long sur environ 0,5 à 2 km de large. L’oasis a été visitée et mentionnée à plusieurs reprises par des géographes arabes durant la période médiévale, et par des voyageurs occidentaux après la « redécouverte » du site par Rüppel en 1829.

Les premières implantations humaines dans l’oasis

Les premières traces humaines dans la région remontent au Paléolithique. Dans les limites de l'oasis, les plus anciens indices d'occupation (semi-)permanente datent du Néolithique récent, soit la première moitié du 7e millénaire av. J.-C. À cette époque, une petite communauté, cultivant des céréales, s'installe sur une terrasse de conglomérats sur le site d'Asifir. Après cette première installation, un long hiatus de trois millénaires reste inexpliqué et un petit village en pierre est fondé à la fin du 4e millénaire av. J.-C. sur le site de Rudayda, de l’autre côté du wadi ʿAfâl.

Les occupations du 1er millénaire av. J.-C.

Deux millénaires plus tard, au cours du 1er millénaire av. J.-C., et possiblement dès la fin du 2e millénaire av. J.-C., les recherches archéologiques montrent une forte densité d'occupation sur la rive orientale du wadi ʿAfâl sur une terrasse composée de gypse et de colluvions. Deux sites d'habitat (Rudayda Sud et al-Qala) et une nécropole (al-Qala Est) remontent à cette fourchette de temps très vaste et encore mal comprise.

Al-Badʿ et les Nabatéens

Avec Hégra et Dûmat, al-Badʿ constitue l'un des principaux sites nabatéens du nord-ouest de l'Arabie. La zone de Mughayr Shuʿayb, qui comprend des tombeaux sculptés dans le grès, fut décrite à plusieurs reprises par les voyageurs des XIXe et XXe siècles. Les données de terrain (céramique, monnaies et inscriptions) recueillies lors des prospections antérieures ont confirmé une occupation dense du milieu du Ier siècle av. J.-C. au IIe siècle, mais aussi jusqu'à la période byzantine au moins au IVe siècle.

Les recherches récentes permettent désormais de mieux définir l’organisation de l'espace oasien à l’époque nabatéo-romaine. Celle-ci comprenait une ville principale (al-Malha) d'environ 30 ha, entourée de nécropoles et de plusieurs petits hameaux dispersés. Les fouilles dans la ville ont, en particulier, dégagé un bâtiment domestique de forme presque carrée construit à cette période, et comportant 17 pièces dans sa phase byzantine supérieure. Une belle lampe en bronze avec des feuilles d'acanthe et deux dauphins datant de la période nabatéenne a été mise au jour dans une salle de bain privée au sein de cette bâtisse. La présence de bâtiments publics, d'un fort militaire, d'une probable citadelle (al-Qala) et de tombes monumentales taillées dans la roche, mais aussi la présence d'une culture matérielle abondante et raffinée, indiquent que l'oasis d'al-Badʿ accueillait des élites nabatéennes et fonctionnait comme un centre administratif et économique régional au tournant de l’ère chrétienne. L’identification de l’oasis avec la cité de Madiama/Madiana mentionnée par Flavius Josèphe et Ptolémée est vraisemblable.

L’identification de Madian (ou Madyan)

Les sources écrites arabo-islamique permettent de faire le lien, de façon assurée, entre Madian (ou Madyan) et al-Badʿ. À ce stade des connaissances, deux sites (al-Malqata et al-Malha Nord) signalent une occupation sédentaire au début de l’ère islamique. Plus tard, et jusqu'à l'établissement des premiers villages en brique crue du XXe siècle, le seul site de l’oasis d’époque islamique médiévale connu semble avoir été le lieu de pèlerinage d’al-Burj, organisée autour du puits taillé dans la roche, le Biʾr Saʿidni, aussi appelé le « puits de Moïse ».

Al-Badʿ, Madian et Moïse

Alors que certains érudits envisagent de situer Madian dans le Sinaï ou au nord du Hijâz, il existe désormais un consensus scientifique selon lequel il s’agirait de l’oasis d'al-Badʿ dans la province de Tabuk. Madian (ou Madyan) - entité géopolitique du nord-ouest de l’Arabie à la fin du 2e millénaire avant J.-C. - jouit d’une grande importance chez les fidèles des trois religions du Livre. La Bible la mentionne quelque 60 fois – le plus souvent attachée à la figure de Moïse – le Coran y fait 10 fois référence. Deux des épisodes les plus significatifs mentionnés dans l’Ancien Testament sont l’accueil de Moïse par le prophète Jethro à Madian après sa fuite d'Égypte, puis l’offrande d’un sacrifice à Dieu sur le mont Sinaï, près de Madian, pendant l’Exode. Madian est ainsi liée aux origines d’Israël et aux nombreuses théories qui lui sont associées. A l’inverse, dans le Coran, le peuple de Madian est accusé d'idolâtrie et de pratiques commerciales malhonnêtes par Shuʿayb, un prophète envoyé par Dieu ; le peuple meurt ensuite sous l'effet de la colère de Dieu et d’un tremblement de terre divin.

Les perspectives de recherche

L'ampleur de la séquence chronologique et l'abondance du matériel archéologique confirment l'importance de l'oasis d'al-Badʿ, presque inconnue il y a seulement quelques années. L'étude de ce site livrera sans aucun doute des informations résolument novatrices pour la connaissance de l'histoire de la région dans les années à venir.

Partenaires scientifiques et soutiens financiers

En plus du soutien de la Commission saoudienne pour le tourisme et du patrimoine national (aujourd'hui la Commission du patrimoine du ministère de la culture), le projet bénéficie du soutien de l'Université du Roi Saoud et de nombreuses institutions françaises, en particulier le Centre national de la recherche scientifique recherche scientifique (CNRS), l'équipe Mondes sémitiques du laboratoire au laboratoire Orient & Méditerranée (UMR 8167), le Ministère français des Affaires Ministère français des Affaires étrangères et européennes, l'Ambassade de France à l'Ambassade de France à Riyad (SCAC), Hydroasis OPUS 2019 de l'Université de la Sorbonne l'Université de la Sorbonne, le Labex Resmed (ANR-10- LABX-72 / ANR-11-IDEX-0004-02) et le Centre français de recherche sur la péninsule arabique (Cefrepa).

Liens utiles

Publications

CHARLOUX G., Sahlah S.A. & Badaiwi W.A., 2021, « Madian revealed ? Assessing the history and archaeology of the oasis of al-Badʿ in north-western Arabia », Semitica & Classica 14, p. 97-142.Lien vers l'ouvrage

CHARLOUX G., Sahlah S.A., Badaiwi W.A., with the participation of Almadhi S.M., Al Timani A.E.K., Al Nawfal A.A., Al Qahtani M.A., Guadagnini K. & Larché F., 2021 (accepté, sous presse), « The Archaeological Project in Al-Bad‘ (Tabuk Province) _ 2017 Season », Atlal.

CHARLOUX G., Sahlah S.A., Badaiwi W.A., with the participation of Abady Mahmoud M.A., Almadhi S.M., Bernard P., Bigot L, Cosandey C., Crassard R., al-Shaya O.D., Darles C., Desruelles S., Dinies M., Guadagnini K., Guetta K., ElNasseh A., Gavazzi B., Laroye J., Al Timani A.E.K., Mensan R., al-Mutairi M.M. & Naggiar L., 2021 (accepté, sous presse), « The Archaeological Project in Al-Bad‘ (Tabuk Province) _ 2018 Season », Atlal.

CHARLOUX G., Sahlah S.A., Badaiwi W.A., with the participation of al-’Ajmi K.b.B., al-Uneizi T.b.A., Bernard P., Bigot L., Cabaret D.-M., Chung-to G., Cosandey C., Crassard R., Durand B., Guadagnini K., Hilbert Y., al-Taimani A.b.K., al-Khibri F.b.M., Gavazzi B., Laroye J, Al Timani A.E.K., Marchand S., Mazurek S., Naggiar L. & Vobauré M., 2021 (accepté, sous presse), « The Archaeological Project in Al-Bad‘ (Tabuk Province) _ 2019 Season », Atlal.