La forteresse d'Abu l-Hasan
La forteresse rurale d’Abu l-Hasan, construite par les Francs au début du XIIe siècle sur un éperon rocheux dans un site de méandre, fut conquise par le sultan kurde Saladin en 1187. Elle joua le rôle de place-frontière entre le Royaume latin de Jérusalem et les états musulmans et occupa une position stratégique sur la route Sidon-Damas, et sur la ligne de fortifications nord-sud séparant les deux États.
Abu l-Hasan était jusqu’au début de nos travaux en 2017 une des rares forteresses libanaises de l’époque des croisades qui n’avait pas encore été fouillée. Tout ce que l’on connaissait jusque-là du site était une brève notice rédigée en 1936 par le célèbre castellologue Paul Deschamps. L’analyse des phases de constructions franques et musulmanes, l’étude du milieu végétal et animal, les modes d’alimentation et l’impact des nombreux tremblements de terre du XIIe siècle sur ces aménagements sont au cœur de cette fouille. L’objectif premier de cette fouille est de comprendre la chronologie et son fonctionnement depuis son implantation jusqu’à son abandon.
Le dispositif d'entrée
Les premières campagnes conduites sur le site ont permis d’identifier plusieurs secteurs fonctionnels. Le dispositif d’entrée, d’abord aménagé autour d’une tour-porte d’époque franque, a été renforcé après la conquête musulmane par une seconde tour-porte située sur la rampe d’accès à la forteresse. La découverte de nombreuses pointes de flèches et carreaux d’arbalètes dans ce secteur témoignent des affrontements et des sièges successifs de la forteresse.
La plate-forme sommitale
Sur la plate-forme sommitale plusieurs secteurs ont également été identifiés : le secteur résidentiel sud qui a fait l’objet des interventions de 2018, 2019 et 2020, avec notamment la fouille de la grande salle (salle 5) a permis d’établir la chronologie complexe des occupations dans ce secteur du site depuis le tournant de notre ère et surtout l’abandon précoce au début du XIIIe siècle. Cette salle a sans doute, dans sa dernière phase d’occupation, été aménagée en une mosquée précédée d’une salle d’ablutions.
Une zone de service
L’espace central de la plate-forme sommital, qui avait été considéré jusque-là comme la « basse-cour » et qui n’avait fait l’objet d’aucune intervention, a révélé en 2020 l’existence d’une zone de service où se trouvaient des édifices de stockage (deux citernes, des magasins et sans doute un grenier) et des structures destinées à la fabrication du pain. La présence de nombreuses meules de grandes dimensions signale sans doute la présence d’un moulin, cependant l’édifice le plus spectaculaire est un fournil en parfait état de conservation, avec son four à pain à la coupole intacte, des plans de travail recouverts de dalles en pierre qui devaient servir de pétrin, deux supports qui devaient soutenir la planche sur laquelle on déposait les pains cuits, enfin un espace de stockage pour le bois. Ce four est, grâce à la présence d’une marque lapidaire, clairement attribuable à la période d’occupation franque du site. On notera que la taille de cette structure est un indice précieux pour évaluer l’importance de la garnison. Il est ainsi trois fois plus petit que les fours du Crac des Chevaliers et de la forteresse de Margat. Le four a été condamné volontairement et minutieusement (enlèvement total de la sole, comblement volontaire du four avec de gros blocs) sans doute en 1218-1219 au moment du démantèlement de la forteresse.
Créée en 2017, la mission archéolgoique d'Abu l-Hasan dépend de la coopération entre l'Université libanaise et l'UMR 7192 Proche-Orient, Caucase (CNRS, Collège de France, EPHE). Elle dispose du soutien financier du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, de l'UMR 7192, de l'Institut des Civilisations du Collège de France, de la fondation Khôra et de la municipalité de Jezzine.