À partir du XVIIIe siècle, le Yémen entre pleinement dans le jeu des rivalités entre les grandes puissances coloniales. La recherche scientifique n'échappe pas à cette compétition internationale naissante.

Les expéditions scientifiques allemandes : Carsten Niebuhr et Ulrich Seetzen

La première expédition scientifique en Arabie du Sud est lancée par le roi du Danemark Frédéric V en 1762. Muni des récits des explorateurs précédents, l’astronome-géographe allemand Carsten Niebuhr (1733-1815) visite ainsi le Yémen zaydite en 1762-1763. De cette entreprise, dont il fut le seul rescapé sur six explorateurs au départ, il rédigea deux ouvrages de référence décrivant à la fois les étapes de son trajet, la géographie du Yémen, les coutumes et les mœurs des populations rencontrées.

Un autre explorateur, l’Allemand Ulrich Seetzen (1767-1811), parcourt le Yémen en 1810 et 1811, à la recherche d’inscriptions signalées par Niebuhr. Il découvre huit textes sudarabiques, alors dits "himyarites", à Zafâr et à Mankath en 1810 avant d’être assassiné par ses guides à Taʿizz en 1811.

Les prémices de la sabéologie

La première mention détaillée d’un texte écrit en sudarabique est rapportée en 1834 par des officiers britaniques à Qanî’. D’autres inscriptions sont régulièrement découvertes dans les années qui suivent et, en 1841, le savant allemand Heinrich Wilhelm Gesenius (1786-1842) propose un premier déchiffrement du sudarabique, en collaboration avec son élève Emil Rödiger (1801-1874). La "sabéologie" est née.

Le pharmacien français Thomas-Joseph Arnaud (1812-1882), premier véritable instigateur de la recherche archéologique française au Yémen, rapportera de son exploration du "pays de Sabaʾ" les copies de 56 inscriptions découvertes à Maʾrib et Sirwâh, publiées dans son ouvrage Relation d’un voyage à Mareb (Saba) dans l’Arabie méridionale entrepris en 1843.

L’archéologie yéménite au cœur des polémiques du XIXe siècle

En 1869, c’est au tour de Joseph Halévy (1827-1917), orientaliste français, de parcourir le Yémen à la recherche d’inscriptions. Il en récolte plus de 680 pour le compte de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de Paris. Grâce à une maîtrise parfaite de nombreuses langues étrangères, il put achever le déchiffrement du sudarabique et commencer son enseignement en France. Or Halévy se retrouve au cœur de l’une des principales polémiques scientifiques de la fin du XIXe siècle. Plusieurs textes sudarabiques mentionnent le massacre des chrétiens de la ville de Najrân par un roi juif ; cette thèse fut alors réfutée par Halévy, de confession juive, alors que l’affaire Dreyfus battait son plein.

Il revient à Eduard Glaser (1855-1908), un célèbre orientaliste autrichien originaire de Bohême, de contredire Halévy peu de temps après, en rétablissant la vérité. Glaser se rend à quatre reprises entre 1882 et 1894 au Yémen. Il rapporte de ses voyages quantités d’inscriptions sudarabiques et plusieurs centaines d’œuvres, aujourd’hui conservées dans les grands musées européens.

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