Une exploitation rurale aux environs d’Heraclea Caccabaria

C’est dans la baie de Cavalaire, à Cavalaire même peut-être, qu’il faut localiser le port d’Heraclea Caccabaria mentionné dans l’Itinéraire Maritime d’Antonin. Les recherches conduites par le Centre Archéologique du Var, sous la direction de Jean-Pierre Brun (CNRS), ont permis de reconnaître plusieurs villas situées sur cette partie de la Côte des Maures. 

La villa de Pardigon 3, implantée en bordure du rivage, a été construite sur environ 2 000 m2 en une seule phase d’investissement, après le milieu du Ier siècle de notre ère, et ne connaîtra, jusqu’au début du IIIe siècle, que des réaménagements du plan initial. Depuis la plage, on trouve une colonnade flanquée d’une tour-belvédère. Par un couloir, on accède au cœur de la demeure organisé autour d’une cour de plus de 160 m2, bordée d’un péristyle aux colonnes de briques. Parmi les pièces qui s’ouvrent sur un jardin arboré et agrémenté de massifs, une salle à manger occupe une position axiale, soulignée par une large ouverture et un aménagement de l’entrecolonnement de la galerie selon la formule du péristyle rhodien. Toujours grâce à des couloirs, il est possible de rejoindre d’autres parties, à l’ouest un ensemble de pièces distribuées autour d’un second péristyle de moindres dimensions, à l’est, les bains d’une superficie de 100 m2, dont les canalisations d’évacuation drainent aussi des latrines reléguées dans une arrière-cour. Par un dernier couloir au nord, on aboutit à une cour agricole barrée par le volume du cellier.    Un chai d’importantes dimensions

Le chai est une construction de 52 m sur 12 m, d’une quinzaine de mètres au pignon, divisée en deux parties. A une extrémité, on trouve une salle de 130 m2 abritant les fouloirs pour les raisins et un pressoir dont on a retrouvé le massif de fondation. Les cuves maçonnées pour le recueil du moût, d’une capacité de 5 000 litres chacune, sont placées dans un cellier d’environ 500 m2. 

Le moût obtenu par foulage et pressurage peut faire l’objet d’une réduction par cuisson, comme en témoigne la découverte d’un aménagement composé d’un cuveau et de la base d’une chaudière, certainement le defrutarium décrit par Columelle. Le defrutum est une préparation utilisée en cuisine mais aussi employée pour démarrer la fermentation. Celle-ci ne se produit pas dans les cuves, mais dans des jarres, les dolia.

Au nombre de 115, les dolia sont disposés en cinq rangs, avec des allées pour le passage. Les récipients sont pris jusqu’au col dans un remblai, permettant un accès facile à l’embouchure et atténuant les effets de température lors de la vinification ou pour la conservation. Ils sont poissés avant usage. Les fonds retrouvés portent la trace d’une telle pratique. Les ouvertures peuvent être obturées à l’aide de couvercles en céramique.

Avec des dolia d’une contenance de l’ordre de 1 500 litres, le propriétaire du domaine de Pardigon pouvait entreposer 1 700 hectolitres de vin dans son chai et exploitait un vignoble dont la superficie ne pouvait pas être inférieure à une vingtaine d’hectares.