Une forteresse résidentielle dans les gorges du Tarn

A la fin du Ve siècle ou au début du VIe siècle, sur un piton qui domine les gorges du Tarn, est bâti un ensemble résidentiel, dont l’occupation se poursuit au moins jusqu’à la fin du VIIe siècle. Malgré une topographie défavorable, des constructions d’ampleur vont être développées sur une superficie de près de un hectare. En partie sommitale, prennent place une tour de plan carré et un élément de courtine barrant le seul côté accessible. Sur la dorsale du relief, plusieurs corps de bâtiments mitoyens forment une composition linéaire, sur près de 50 mètres de longueur pour une profondeur de 8 mètres. L’une de ces salles a conservé une élévation de plus de 3m et les vestiges d’une colonnade d’étage soulignent la fonction ostentatoire et résidentielle de cet espace. Parmi les bâtiments en contrebas, dont l’exploration est encore partielle, une citerne maçonnée de plan rectangulaire a pu contenir jusqu’à 190 m3 d’eau. On ne peut douter que cette réserve serve à alimenter par gravité l’alimentation du balnéaire placé à un niveau encore inférieur. A proximité, un grand bâtiment de 157 m2 pourrait être un horreum. 

Laurent Schneider (CNRS, Laboratoire d’Archéologie Médiévale Méditerranéenne, Aix-en-Provence) suggère d’identifier le site avec le castellum de Melena, où saint Hilaire de Gévaudan aurait trouvé refuge lorsque les descendants de Clovis étendirent le royaume des Francs en direction des cités méditerranéennes de Septimanie. Des constructions et un mode de vie more Romanorum

Si le choix d’un site perché éloigne de l’image courante de la villa romaine, la mise en œuvre des constructions, les aménagements reconnus évoquent tout au contraire la pars urbana d’un riche établissement domanial. La chaux est utilisée en abondance pour le liant des maçonneries comme pour les enduits qui recouvrent les murs. Une galerie d’étage est ajourée grâce à une colonnade dont on a retrouvé fûts, bases et chapiteaux. Le béton hydraulique, un mortier de chaux à agrégats de poussières et de fragments de tuile, trouve emploi dans le revêtement étanche de la citerne comme dans la partie thermale. Ces bains sont organisés à partir d’un espace de plan carré, d’environ 60 m2. Le chauffage de tout ou partie de l’édifice est assuré par un praefurnium installé du côté de la pente. On trouve à l’opposé une abside semi-circulaire qui pouvait accueillir une baignoire ou un labrum, et sur un côté une grande baignoire carrée.

Ces différents aménagements autorisent l’évocation de la notion de « palais », dont le confort n’aurait rien envié à celui de bon nombre de villas construites dans les terroirs de plaine et cela alors que l’on est désormais à l’époque des rois mérovingiens. La consommation de vin méditerranéen est encore une réalité, dans le cadre du banquet ou pour des pratiques chrétiennes. Cinq amphores africaines et une de Gaza illustrent la permanence du grand commerce de tradition antique jusqu’au VIIe siècle.