Une étude systématique du corpus des ivoires d’Ougarit a porté sur les aspects techniques, en s’attachant pour la première fois, au matériau ivoire lui-même, de l’identification de l’espèce à sa mise en œuvre.

Défenses d’hippopotames et d’éléphants

L’ivoire provient des défenses (dents à croissance continue) d’espèces terrestres (mammouth, éléphant, hippopotame, sanglier etc.) et marines (cachalot, morse, narval, dugong etc.) La disposition des courbes de croissance varie d’une espèce à l’autre, permettant l’identification. À Ougarit, comme dans nombre de cultures de Méditerranée orientale à l’âge du Bronze, on observe un usage majoritaire de l’ivoire d’hippopotame, l’animal vivant jusqu’à la fin de l’antiquité dans les deltas marécageux des rivières du littoral syro-palestinien, et en Égypte. L’ivoire d’éléphant, animal dont la présence dans la  vallée de l’Oronte est documentée par les textes, était préféré pour les pièces de grande dimension ou destinées à une clientèle privilégiée. L’identification a été pratiquée par observation à la loupe binoculaire avec un grossissement d’environ 3 à 5 fois sous forte lumière, le soleil de préférence. L’examen en UV sert pour repérer les restaurations.

Les défenses de l’éléphant sont ses premières incisives supérieures. L’observation des courbes de croissance sur l’objet fini permet de le replacer dans la défense pour mieux en comprendre le processus de mise en œuvre. La partie pleine de la défense se prête au débitage en planches (parois de coffrets, couvercles en disque) et à la sculpture en ronde bosse. La partie basse se prête au découpage de cylindres qui formeront des boîtes par l’adjonction de disques pour le fond et le couvercle (découpés, eux, dans la partie pleine). Un cas extrême de l’utilisation de la partie basse est le cor (ou bouteille).

Chez l’hippopotame, ce sont les dents antérieures de la mâchoire inférieure qui ont été exploitées. Ainsi, dans les deux canines, plus volumineuses, arquées et de section triangulaire, ont été prises des boîtes en forme de canard. Leurs éléments – cuve, couvercle, col et tête d’oiseau – sont pris dans différentes parties de la défense, exploitée ainsi au maximum de ses possibilités.

Les maîtres ivoiriers d’Ougarit

L’outillage employé par les maîtres ivoiriers d’Ougarit est repérable aux traces laissées sur les objets finis ; certains outils de cuivre retrouvés à la fouille leur correspondent. Le débitage se faisait à la scie, la préforme au couteau et au ciseau, avec finition à la lime. Le tour à archet a été employé pour dégager certains manches. Le décor délimité à la règle et au trusquin ou tracé au compas (rosettes sur les couvercles en disque) est sculpté au couteau, au ciseau, à la pointe à graver, parfois au trépan. Sauf exception, les pièces étaient assemblées par mortaises ; des griffures au revers des plaques indiquent l’usage de colle.

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