Maroc - Il y a 10 siècles

Nûl Lamta

Situé dans l’oasis d’Asrir, à 13 km au Sud-Est de la ville de Guelmim, la ville de Nûl Lamta est connue comme l’une des plus importantes cité caravanière et commerciale de l’époque médiévale. Fondée aux alentours du VIIIe siècle, la cité connait un important essor sous les Almoravides (XI-XIIesiècle.) grâce sa position géographique et à ses ateliers de fabrications de boucliers.

Photo aérienne du site Nûl Lamta © Mehdi Bensid

Dès 1995, un programme maroco-espagnol de recherches archéologiques s’emploie à redécouvrir l’emplacement exact de la cité. Ces fouilles archéologiques ont permis de mettre au jour de nombreux vestiges de cette ancienne cité caravanière, tel qu’une imposante forteresse jalonnée de nombreuses tours, d’un fossé et des zones d’habitations.

À l’aube de l’histoire : l’oued Nûn

L’origine de la cité de Nûl Lamta reste encore un mystère. Les auteurs grecs et romains semblent mentionner le fleuve Nûl ou Nûn dont le lit et les berges abriteraient, des siècles plus tard, la ville de Nûl Lamta. Pomponius Mela (Ier siècle apr. J.-C.) fait référence au fleuve Nunc ou Nuchul, Claude Ptolémée, dans sa Géographie (IIe siècle) parle clairement du fleuve Noulos ou Nouios, tandis que Paul Orose (IV-Ve siècles) le cite comme Nuhul. Différents noms pour un même fleuve au-delà des frontières de l’empire romain, aux limites du monde connu par les auteurs classiques de l’époque. 
Selon certaines traditions orales, dans ces territoires éloignés, un groupe de chrétiens, païens et juifs auraient fondé, vers le VIIIe siècle, la cité de Nûl Lamta. Peu de temps après, nombre d’entre eux se convertirent à l’islam, marquant ainsi le début d’une étape qui est celle que nous connaissons aujourd’hui encore.

La route de l’or : l’origine d’un empire 

Des milliers de caravanes ont traversé le désert du Sahara pendant des siècles à la recherche de l’or mythique du sud. Beaucoup d’entre elles ne sont pas parvenues à leur destination, exténuées par la soif et la chaleur ou ensevelies par les sables du désert. Malgré les risques que supposait ce voyage, tous les ans des centaines d’hommes et des milliers de chameaux risquaient leurs vies pour atteindre « l’Eldorado africain » : le royaume de Ghana. Ils devaient parcourir durant plusieurs mois plus de 2 000 kilomètres, soumis à des conditions extrêmes. La récompense finale semblait cependant couvrir les risques de cette traversée….

Dans les villes d’Awdaghust et Koumbi Saleh, au sud du Sahara, les commerçants musulmans échangeaient du sel, du cuivre et des tissus contre de l’or, des esclaves et de l’ivoire. Grâce à ce commerce, l’empereur du Ghana devint – dit-on – l’homme le plus riche du monde, au moins jusqu’au XIe siècle quand les troupes du général almoravide Abû Bakr conquirent la région. Suite à cette conquête, les Almoravides furent les premiers dans l’histoire à prendre le contrôle des villes situées aussi bien au nord qu’au sud du Sahara devenant ainsi les maîtres absolus des routes caravanières. C’est ainsi que la base économique des Almoravides, leur véritable pouvoir, a vu le jour, leur permettant d’élargir leur empire sur des milliers de kilomètres jusqu’aux riches terres d’al-Andalus. “L’empereur de Ghana est l’homme le plus riche du monde grâce à l’or” (Ibn Hawqal, Xe siècle). Le contrôle des routes caravanières a permis aux Almoravides de frapper de nombreuses monnaies en or. Certaines d’entre elles dans la ville de Nûl Lamta (XIIe siècle)

Les meilleurs boucliers de l’Empire

La ville de Nûl Lamta, en plus d’être un important centre commercial et agro-pastoral, s’est singularisée pour la fabrication de boucliers, probablement les meilleurs de l’empire almoravide. Cette activité dut être une affaire très lucrative puisque les troupes almoravides, qui combattaient dans le nord contre les chrétiens, avaient besoin constamment de remplacer leur armement. Parmi ces boucliers se trouvaient probablement les fameux adargues (targes), petits boucliers légers et très résistants fabriqués à partir de peaux d’antilopes (probablement de l’oryx blanc) et qui étaient employés par la cavalerie légère. Leur qualité fut telle que même les chrétiens les utilisèrent jusqu’à l’apparition des armes à feu.

Ces miniatures du livre des Cantigas de Santa Maria (poèmes chantés à la louange de la vierge Marie écrits par le roi Alphonse X de Castille au XIIIe siècle) montrent la cavalerie almoravide ou almohade portant ces adargues en forme de cœur. 

« C’est dans cette ville [Nûl] que sont fabriqués les boucliers de Lamta ; rien n’est plus parfait que ces boucliers ; rien n’est plus résistant que leur champ d’écu ; rien n’est mieux façonné. Les Maghrébins les utilisent au combat pour leur efficacité défensive et leur poids léger » Al-Idrîsî, XIIe siècle

 

Les guerriers touaregs ont continué à utiliser ce type de bouclier jusqu’au XXe siècle.

Almohades contre Almoravides. Une lutte de pouvoir

Malgré l’étendue et la splendeur de l’empire almoravide, un nouveau pouvoir commença à s’étendre par le sud. Les Almohades, qui puisent leurs origines dans les montagnes de l’Anti-Atlas, avaient soumis peu à peu le sud du Maroc jusqu’à l’oued Drâa. Curieusement, aucun texte ne mentionne la prise de la ville de Nûl Lamta par les Almohades. Cela nous amène à nous demander si la ville de Nûl Lamta fut soumise par les nouveaux conquérants. Nous ne possédons pas de données suffisantes pour répondre à cette question. Nous pouvons seulement dire que pendant la prise de la région, ou juste à la suite de celle-ci, les Almohades avaient construit l’impressionnante forteresse de Tiguemmi Ouguellid/Dar-al Soltane qui domine l’oasis de Taghjijt. Ils ont sans doute agi ainsi parce qu’ils doutaient de la loyauté des habitants de la région de Nûl Lamta, ou encore parce que cette place leur servait de base d’opérations pour soumettre la cité légendaire du sud.

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