Djibouti - il y a 17 000 ans

Les rives du Lac Abhé, un lieu d’implantation propice

À Djibouti, pendant plusieurs milliers d’années, le lac Abhé et le bassin du Gobaad qui le prolonge à l’est, loin du climat aride que l’on y rencontre aujourd’hui, ont offerts aux populations de la préhistoire des ressources végétales et animales nombreuses et variées. On y retrouve en effet les vestiges assez nombreux d’installations de chasseurs-cueilleurs et pêcheurs depuis 20 000 ans jusqu’au 3e millénaire av. J.-C. C’est à ce moment-là, alors que s’amorce le changement climatique qui conduira à l’aridité, que ces hommes modifient leur mode de subsistance et adoptent pour la première fois dans la Corne de l’Afrique des animaux domestiques.

Le bassin lacustre du Gobaad en République de Djibouti © Jessie Cauliez

Un site propice à l’implantation humaine

En République de Djibouti, la région aride de l’Afar, située entre le Rift éthiopien et la mer Rouge, abrite le bassin lacustre du Lac Abhé, appelé le bassin du Gobaad. Les rives du Lac Abhé ont été durant la préhistoire particulièrement favorables à l’implantation humaine : les populations qui vivaient là pouvaient profiter d’une biodiversité végétale et animale très riche.

Le lac Abhé

Le lac Abhé représente un des principaux réceptacles des eaux provenant du Rift et des hauts plateaux éthiopiens avec une rivière qui l’alimente : la rivière Awash. Il suffit qu’il pleuve sur les hauts plateaux pour que le lac voie ainsi son niveau d’eau augmenter. À travers l’étude de ses dépôts successifs sous les eaux comme sur ses rives, on peut reconstituer l’histoire des principales fluctuations climatiques de la région. Au cours des 20 derniers milliers d’années en particulier, ce bassin a connu une série de transgressions majeures du lac Abhé qui ont considérablement augmenté sa superficie. Aujourd’hui, du fait d’une aridité intense, le lac ne fait plus que 350 km2, contre 6000 km2 il y a plus de 10 000 ans. Les phénomènes sismiques, très actifs dans la région, ont aussi joué un rôle dans ces variations du niveau du lac. L’aspect actuel du bassin du Gobaad, avec ses paysages dénudés, voire désertiques par endroits, est bien différent de celui qu’ont connu les populations de la préhistoire.

Une longue période d’occupation

Parce que cet endroit était jadis propice à l’installation humaine, le bassin a été très occupé durant la préhistoire : aujourd’hui plus de 100 sites archéologiques sont connus dans la région. Le grand intérêt de cette zone est qu’elle fournit des sites s’échelonnant entre 16 000 ans (site d’Hara Idé 3) et le 1er millénaire apr. J.-C. (les sites d’art rupestre du Dakka). Les fouilles, toujours en cours, permettent de documenter le mode de vie des derniers chasseurs-cueilleurs (sites d’Ali Dabba), mais également celui des premiers éleveurs, qui, au milieu du 3e millénaire av. J.-C., commencèrent à élever des bovins et des caprins, à constituer des communautés villageoises (site d’Asa Koma) et à enterrer leurs morts dans les premières sépultures collectives qui prirent un aspect monumental (site d’Antakari 3).

L’étude de l’évolution climatique

Cet environnement lacustre exceptionnel, qui enregistre les modifications climatiques, permet aussi de conduire des études spécialisées pour reconstituer les paysages et comprendre l’évolution des peuplements végétaux et animaux dans ce milieu aujourd’hui fortement impacté par les effets du réchauffement. Le programme de recherches Premières sociétés de production dans la Corne de l’Afrique du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères s’étend au-delà du bassin du Gobaad puisqu’il investit également les rives méridionales du golfe d’Aden, au Somaliland, où les prospections archéologiques ont permis de découvrir le « Lascaux africain » : le site de Laas Geel.

Présentation de la mission

La mission Premières sociétés de production dans la Corne de l’Afrique (ministère français de l’Europe et des Affaires étrangère et IRAH à Djibouti) est dirigée depuis 2013 par J. Cauliez (CNRS, UMR 5608 Toulouse). Elle a été créée en 1984 par R. Joussaume et dirigée de 2001 à 2013 par X. Gutherz.

Projet soutenu par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères sur l’avis de la Commission des fouilles. 

D'autres sites de la mission :